Dans son numéro paru en kiosque le jeudi 18 février 2021, le magazine Que Choisir appelle au retrait et au rappel de nombreuses encres de tatouage.
2020 fut une annus horribilis pour les professionnel·les du tatouage – 2021 pourrait encore leur réserver quelques vilaines surprises. Dans leurs kiosques ce 18 février, tatoueuses, tatoueurs et fabricant·es d’encres ont pu tomber nez-à-nez avec la Une accusatrice du 600ème numéro de Que Choisir :
Exclusif
Tatouages
Du poison dans les encres
Sur le site officiel du média, on accède au contenu de l’enquête menée par l’Union fédérale des consommateurs (UFC). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’association n’épargne rien aux marques les plus iconiques du secteur.
Fusion Ink, Intenze, World Famous Tattoo Ink ou encore Eternal Ink : le gotha de l’encrage est sévèrement pointé du doigt par le magazine. « Pour la réalisation de ses tests, notre association s’est appuyée sur les différentes réglementations existantes », lit-on sur la page, « notamment l’arrêté du 6 mars 2013 fixant la liste des substances qui ne peuvent pas entrer dans la composition des produits de tatouage, le Règlement (UE) 2020/2081 et la Résolution ResAP (2008)1 du Conseil de l’Europe ».
Les conclusions présentées par l’UFC-Que Choisir sont particulièrement alarmistes. « Sur 20 encres de tatouage parmi les plus utilisées en France analysées par nos experts, seules 5 répondent aux différentes normes en la matière », avance le journal. « C’est donc 75 % des produits testés qui représentent un risque sanitaire élevé », ajoute-t-il, allant même jusqu’à publier un tableau répertoriant, avec force noms et références, « les différents produits dangereux découverts dans [son] test » :
Suite à cette enquête, l’UFC-Que Choisir a décidé de prendre trois mesures :
- la 1ère : appeler les candidat·es au tatouage « à la plus grande vigilance » et leur conseiller de « se renseigner très attentivement sur les composants des encres utilisées »
- la 2ème : exiger des professionnel·les du secteur qu’ils témoignent « d’un sens aigu des responsabilités en utilisant comme produits de tatouage des encres saines pour les consommateurs, afin de leur garantir le niveau de qualité sanitaire auquel ils ont droit »
- la 3ème : saisir la DGCCRF et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament « afin qu’elles procèdent à une intensification des contrôles et ordonnent le retrait et rappel immédiat des produits dangereux déjà identifiés »
Contactée le jour de la parution du numéro par France Bleu, Tatouage & Partage ne peut que s’élever face à cette énième campagne contre les encres de tatouage. En 2013, certaines encres avaient déjà fait l’objet d’une croisade menée par les pouvoirs publics. Huit années plus tard, la supposée corrélation entre problèmes sanitaires et matériel de tatouage n’a toujours pas été démontrée par les instances scientifiques, à commencer par l’ESCTP (dont vous parlait déjà notre association en 2015).
La European Society of Tattoo and Pigment Research, qui constitue l’une des voix majeures écoutées par Bruxelles dans le domaine du tatouage, souligne que le nombre de problèmes liés à l’encrage est bien souvent dû au manque de soins appliqués par le ou la tatoué·e et s’avère, qui plus est, dérisoire par rapport au nombre de tatouages réalisés chaque année.
L’offensive de l’UFC-Que Choisir interroge et pousse Tatouage & Partage à poser à ses auteur·ices plusieurs questions. La première : où les testeurs ont-il acheté ces encres ? Si l’acquisition a été réalisée directement auprès des fabricants dans leurs pays d’origine, les normes ne sont pas les mêmes (exemple : World Famous Tattoo Ink par Lou Rubino aux États-Unis). À l’inverse, si l’acquisition a été réalisée auprès de revendeurs français, la faute incombe à ces derniers ; ils doivent se cantonner à la vente d’encres normées ResAP 2008 (idem pour les revendeurs européens).
Autre sujet de questionnement : l’UFC-Que Choisir semble n’avoir testé que 6 marques… sur plusieurs centaines existant, comme le savent les tatoueur·ses professionnel·les. En outre, quels motifs ont été étudiés dans le cadre de ces tests ? Savent-ils si ces encres sont utilisées par les tatoueur·ses en France ? Notre association doute fort que ces tests aient été conduits sur des encres prises dans des salons de tattoo.
Enfin, et c’est là le plus problématique et le plus regrettable : une nouvelle fois, aucun·e tatoueur·se n’a participé à cette enquête. De facto, aucun·e tatoueur·se n’a pu aiguiller le média vers les vrais usages, les vrais produits, les vraies pratiques inhérentes à notre métier. Une sollicitation de nos pairs serait plus que bienvenue avant la prochaine charge dirigée contre notre discipline.