Tatoueurs en danger : l’inquiétant parallèle entre le Japon et la France

  
 

Tout est parti d’une arrestation. D’une décision de police à quelques 10 000 kilomètres de la France. Dans les villes d’Osaka et de Nagoya (respectivement troisième et quatrième villes les plus peuplées du Japon), les forces de l’ordre ont procédé à la détention de tatoueurs, sous un prétexte qui a laissé Tatouage & Partage sans voix : comme le rapporte The Japan Times, les tatoueurs incriminés auraient violé le Code de la médecine japonais, qui stipule que seuls les docteurs diplômés peuvent réaliser « des pratiques médicales ». Une redéfinition complète, voire arbitraire du tatouage au Japon… qui n’est pas sans rappeler le flou entourant la pratique du tattoo dans notre propre pays.

Un collectif pour sauver le tatouage au Japon

Il n’aura pas fallu attendre longtemps avant d’assister à une levée de boucliers au Japon. De cette arrestation est né un mouvement, baptisé Save Tattooing en anglais, et dont le site se consulte ici :

www.savetattooing.org

Save Tattooing dresse un constat : les tatoueurs de l’archipel nippon font face à une crise. Au titre de principale problématique, une question : de quel statut les tatoueurs japonais doivent-ils jouir pour pouvoir officier légalement dans leur pays ? L’interrogation ramène à la situation équivoque des tatoueurs de France.

Faut-il être impérativement médecin pour pratiquer le tatouage ?

Dans sa lutte pour sauver le tatouage au Japon, Save Tattooing pose une question simple : faut-il être médecin pour pratiquer le tatouage ? Faut-il avoir suivi des études de médecine pour prétendre au statut de tatoueur ? Pour l’association Tatouage & Partage, la question tutoie l’absurde. Pourtant, c’est bel et bien ce que sous-tendent les récentes arrestations d’Osaka et de Nagoya.

Des tatoueurs placés en état d’arrestation… faute de diplôme

Car pour la police nippone, la réponse est positive et sans appel : oui, le tatouage devrait être pratiqué uniquement par les titulaires d’une licence médicale, dont les normes sont définies par le Medical Practitioners’ Act de 1948. C’est parce qu’ils n’étaient pas médecins, parce qu’ils étaient « seulement » tatoueurs, que les artistes d’Osaka et de Nagoya ont été arrêtés.

Le tatouage au Japon : une acceptation aux antipodes des pays occidentaux

Ce nouveau bâton dans les roues du tatouage nippon s’inscrit dans un contexte souvent méconnu du public occidental. En France comme au Royaume-Uni – pour ne pas citer les Etats-Unis –, le pourcentage de tatoués n’a jamais été aussi élevé, oscillant entre 10 % et jusqu’à 40 % pour certaines tranches d’âges. Mais dans le troisième pays le plus riche de la planète, le tatouage peine encore à sortir des carcans de la marginalité. Sur l’archipel, encrer sa peau est encore perçu comme un signe d’appartenance fort à un groupe de crime organisé. La notion de yakuza n’est jamais très éloignée de celle de tatouage…

Effraction cutanée, cadre légal : les similarités entre les cas japonais et français

Mais au-delà des différences culturelles et des disparités dans l’appréciation même du tattoo, le Japon et la France se rejoignent. Dans l’Empire du soleil levant, on parle d’effraction cutanée dont la réalisation serait illégale pour qui n’est pas titulaire d’une licence de médecine, reléguant les tatoueurs à la clandestinité ; chez nous, la situation est toute aussi ambigüe, faute de cadre structurant. Le président de l’association Tatouage & Partage, Stéphane Chaudesaigues, soulevait récemment ce problème au cours de son intervention pour l’émission Agora (à partir de 4mn03). Malgré un dialogue avec le Ministère des Affaires sociales et de la Santé et de récentes précisions de leur part, le tatoueur en France peine, comme en Extrême-Orient, à trouver véritablement sa voie.

Haro sur la transgression

Derrière ces interrogations d’ordre administratif et légal se pose la question de la transgression. Du latin transgressum, traduisible par aller au-delà, elle définit l’action de ne pas obéir à un ordre, à une loi, à des normes. C’est là l’une des caractéristiques quintessentielles du tatouage : transgresser les règles qui voudraient qu’une enveloppe humaine n’appartienne pas à celui qui la porte. De la culture de la bousille en France à l’art de l’irezumi (ou tatouage réalisé entièrement à la main) au Japon, le fait de transgresser un interdit – de faire ce que l’on veut de son corps – représente un danger pour la société. C’est du moins ce que la bien-pensance voudrait nous faire croire…

Agir avec Save Tattooing et Tatouage & Partage

Aujourd’hui, des actions sont possibles pour lutter contre ces menaces et ces diktats. Tatouage & Partage vous encourage à signer la pétition Secure the development of Japanese tattoo culture by establishing a licensing system, lancée par le collectif Save Tattooing. Autre geste fort et significatif : rejoindre notre association, pour nous aider à aider les tatoueurs de France et éviter, à tout prix, que la situation de l’encrage dans notre pays n’atteigne un seuil aussi critique que chez nos amis japonais.