Tatouage : nos arguments face au ministère de la Santé

  
 

 

Tatouage & Partage et le SNAT ont obtenu une réunion avec le ministère de la Santé fixée au 20 janvier 2022. L’enjeu ? Discuter de la nouvelle réglementation européenne sur les encres REACH. Notre association vous propose de découvrir le contenu envoyé en amont au ministère concerné, et dont nous espérons aborder chaque point au cours de cet entretien.

 

Toujours aucune corrélation à cette date entre tatouage et cancer, quelles que soient les études menées

Il convient de noter que les effets systémiques potentiels des encres de tatouage sur la santé (par exemple, certains types de cancer) n'ont pas encore été suffisamment évalués et ne peuvent donc être ni prouvés, ni exclus. Des études épidémiologiques sont en cours mais les résultats ne sont pas attendus prochainement, selon l’ESTP en octobre 2021. Il y a certes des cas d’allergies, mais qui sont très rares et sans aucune gravité.

 

Selon le RAPEX (système communautaire d’échange rapide d’informations) :

  • seuls 8 cas ont été signalés en France depuis 2005
  • seuls 313 cas ont été signalés en Europe depuis 2005

 

Ces cas ayant tous été signalés par des clients et non pas des médecins ou des tatoueurs, nous n’avons aucune certitude quant au fait que le problème en l’espèce soit les encres et non pas un manque d’hygiène ou de soin de la part des tatoués ou du tatoueur (pouvant être un tatoueur non déclaré).

 

Le CASE (comité d’analyses socio-économiques) a indiqué dans son rapport que « la restriction proposée constituait la mesure la plus appropriée à l’échelle de l’Union, pour prévenir les risques détectés du point de vue de ces avantages et coûts socio-économiques.

 

Le CASE est parvenu à cette conclusion sur la base des MEILLEURES INFORMATIONS DISPONIBLES, compte tenu du fait que les bénéfices importants par la société, en ce qui concerne les effets cutanés néfastes et les autres effets sur la santé qui seraient évités étaient susceptibles d’être supérieurs aux coûts de mise en conformité par l’industrie ».

 

Nos questions

Étant donné que le RAPEX a recensé seulement 8 cas en France et seulement 313 dans toute l’UE  depuis 2005, quelles sont les informations, bases, données chiffrées qui ont été utilisées pour prendre ces décisions si lourdes de conséquences pour nous ?

 

Nous aimerions également savoir quel est le coût pour la société par rapport à la cigarette, l’alcool, les maladies nosocomiales… ?

 

Les nanoparticules dont il est question dans cette étude peuvent certes poser problème en cas de dispersion dans le corps, ce qui n’est pas le cas dans le tatouage. En effet, le tatouage n’injecte qu’une même dose de pigment pour toute la vie.

 

À la différence des médicaments, par exemple, dont 4 523 en France contiennent du dioxyde de titane (TiO2) et qui, pour beaucoup, sont pris de façon régulière voire quotidienne ; alors même que le dioxyde de titane est classé cancérogène par inhalation et pourrait donc l’être sous d’autres formes d’absorption, comme le dentifrice par exemple, lui aussi utilisé quotidiennement.

 

Selon l’European Society of Tattoo and Pigment Research (ESTP), concernant la migration des nanoparticules, de par la loi des propriétés physico-chimiques des ingrédients solubles, ils seront répartis dans tout l'organisme. L'exposition exacte est encore inconnue, mais de nouveaux résultats peuvent être attendus au cours de l'année prochaine.

 

Une partie de tous les pigments et particules sera distribuée dans le corps (comme indiqué par de nombreuses observations). Cependant, on ne sait pas encore si le dépôt dans les ganglions lymphatiques ou probablement d'autres organes a un effet sur la santé, et cela en raison d'un manque d'études.

 

En revanche, le détatouage au laser pratiqué par les dermatologues, quant à lui en pulvérisant et dispersant les pigments, permet la migration de ces mêmes nanoparticules. En cela, le lobby des dermatologues devrait être mis en cause si les recherches ultérieures apportaient la preuve de la dangerosité des nanoparticules en lien avec le tatouage.

 

L’European Society of Tattoo and Pigment Research (ESTP) travaille depuis 2013 sur le sujet des encres, mais n’a apparemment même pas été consulté par l’ECHA (agence européenne des produits chimiques). Voici ses conclusions concernant le règlement REACH en novembre 2021.

 

« L’ESTP soutient une législation autonome pour chaque pays pour les encres de tatouage et PMU se référant au CEN - EN 17169:2020 en termes d'hygiène et sans lien avec la directive cosmétique ou le règlement sur les produits biocides.

 

Concernant le règlement (UE) 2020/2081 (REACH) de la Commission pour les encres de tatouage et PMU, il ne devrait inclure que les substances dont les risques ont été prouvés. Dans l'avis du comité d'évaluation des risques concernant cette restriction, à la page 45, il est indiqué que les annexes de la directive sur les cosmétiques [...] incluent des substances restreintes sans traçabilité ou des avis récemment révisés du comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) ou ses prédécesseurs.

 

Ainsi, un lien avec la directive sur les cosmétiques ne se justifie pas. Le système REACH ne permet pas à l'industrie d'améliorer la réglementation en fournissant des données ou des évaluations des risques pour certains produits chimiques, comme c'est la pratique courante avec la directive sur les cosmétiques avec un chemin clairement défini.

 

Par conséquent, si REACH entre en vigueur, il n'y a aucune possibilité directe de soumettre des données pour son amélioration en termes de substances couvertes ou de limites données, même si de nouvelles données sont disponibles. »

 

Toujours selon l’ESTP, « nous ne disposons d'aucune information directe spécifique au Royaume-Uni, mais il est probable que la situation soit la même qu'en Europe continentale : environ 100 % des encres seraient retirées du marché si REACH s'appliquait directement aux encres vendues actuellement » (source : conférence mondiale sur la recherche sur le tatouage et les pigments 2021, Amsterdam, résultats de la surveillance du marché).

 

« Bien que certains problèmes connus avec des colorants et des ingrédients pourraient être résolus d’ici au début de la restriction, la plupart des autres sont dus à des limites techniquement NON réalisables pour certains ingrédients nouvellement interdits.

 

De plus, le problème des pigments techniquement non remplaçables (Pigment Blue 15, Pigment Green 7) rendra non conformes la plupart des encres bleues ou vertes ou des encres comprenant ces pigments pour les déclinaisons de couleur.

 

Si le règlement est mis en place de manière à ce que l'industrie ne puisse pas s'y conformer, peu importe l'ampleur des changements, il y aura des solutions de contournement et le règlement échouera dans son objectif réel : rendre les encres plus sûres grâce à des ingrédients plus sûrs. »

 

Nous n'avons aucune preuve que les substances entrant dans le champ d'application de ce règlement apporteront une solution aux effets secondaires suivants survenant avec les tatouages ou les PMU qui sont directement liés au contenu de l'encre :

  • allergie (les allergènes coupables ne sont pas encore identifiés)
  • granulome, sarcoïdose, uvéite (la cause de ces effets secondaires n'est pas encore identifiée)
  • infections (non intégrées dans les recherches de la restriction REACH), souvent dues à un manque de soin et d’hygiène des clients
  • cicatrices et autres mauvais résultats de tatouage dus au piquage

La cause en est que les tatoueurs n’ont toujours pas de formation professionnelle (contrairement aux coiffeurs ou aux esthéticiennes), toujour selon l'ESTP.

 

Une telle formation, notre association la réclame depuis 2013, en alternance entre école publique et studio de tatouage, dans le cadre d’un statut professionnel d’artisan d’art qui permettrait la transmission du savoir de façon légale et encadrée. Ce qui nous permettrait d’avoir également une assurance professionnelle.

 

Il convient de noter que les effets systémiques potentiels des encres de tatouage sur la santé (par exemple, certains types de cancer) n'ont pas encore été suffisamment évalués et ne peuvent donc être ni prouvés ni exclus. Des études épidémiologiques sont en cours mais les résultats ne sont pas attendus prochainement.

 

« Dans les pays occidentaux, l'incidence des individus tatoués est d'environ 20 % (pour certains groupes d'âge, environ 40 %). Une législation viable ne devrait pas seulement être motivée par des pertes économiques en termes de réduction des échanges ou de fermeture de PME. Le tatouage fait partie de la culture d'une grande partie de la population, ce qui devrait être une raison suffisante pour consacrer du temps et des efforts à la mise en œuvre d'une législation scientifiquement fondée. »

 

Une différence pourrait diminuer  les impacts si une telle restriction était introduite sur une échelle de temps plus longue, par exemple 5 ans au lieu de 2 ans. En effet :

  • les fabricants auraient le temps de s'adapter aux nouvelles restrictions pour certaines substances concernées, par exemple en changeant leur matière première ou leurs ingrédients ; étant donné que la qualité d'une encre durable ne peut être estimée qu'in vivo (durabilité, cicatrisation, intensité de la couleur), la période de temps pour tester cela s'ajoute au simple changement d'ingrédients ;
  • certains autres pigments et substances nommés ci-dessus ne seront pas remplaçables dans un délai donné et doivent donc être supprimés de la restriction (pigments) ou des limites techniques réalisables doivent être redéfinies.

 

« Certaines limites ne peuvent pas être respectées ; certaines pas pour le moment, d'autres pas du tout. Compte tenu des milliers de substances nouvellement interdites, les méthodes analytiques pour tester leur conformité font généralement défaut.

 

En présence, en particulier avec les hydrocarbures polyaromatiques (HAP) ou la quantification des pigments, les méthodes ne sont pas définies ou disponibles, respectivement. Le fabricant ne peut donc pas tester les produits pour leur conformité au Resap (2008) et bientôt REACH, et un laboratoire de surveillance du marché pourrait utiliser une autre méthode donnant des valeurs plus élevées.

 

En revanche, soit les fournisseurs mettront fin à leur activité puisqu'ils ont la responsabilité de vendre des encres non conformes, soit nous générons un jeu du chat et de la souris où la surveillance du marché retirera un certain numéro de lots d'encre du marché mais la marque continuera à vendre le produit.

 

Si l'approvisionnement en encres est limité, l'artiste trouvera d'autres moyens de poursuivre son art et son activité, ce qui finira par réduire la sécurité du client. D'autres pourraient arrêter leur activité. »

 

Synthèse et requêtes

Nous savons qu’un certain nombre de fabricants d’encre ont mis leur gamme aux nouvelles normes. En revanche, des retards de livraison empêchent la plupart des tatoueurs de s’approvisionner depuis le 4 janvier 2022.

 

De plus, racheter toute une gamme d’encre est un coût conséquent pour les tatoueurs déjà pénalisés par plusieurs mois de fermeture administrative liés à la pandémie. Il leur faudra donc un certain temps pour être aux nouvelles normes sans mettre en péril leur activité.

 

En synthèse, nous sollicitons un délai suffisant à dater d’aujourd’hui pour pouvoir nous mettre aux normes 2022. Nous demandons aussi que ce qui concerne l’interdiction des pigments bleu et vert soit refusé par la France ; en effet, aucune méthode et ingrédients plus sûrs n’existent à ce jour, et cette interdiction mettrait toutes nos activités grandement en péril.