Portrait du premier tatoueur légal de France

  
 

N’ayons pas peur des mots : si l’association Tatouage & Partage existe, c’est parce qu’un monsieur du nom de Bruno Cuzzicoli a existé avant elle. Bruno Cuzzicoli, c’est l’homme avec qui le tatouage légal est arrivé pour la première fois en France. Celui qui a gagné le titre de premier tatoueur de France sera le parrain officiel du prochain Cantal Ink, événement partenaire de Tatouage & Partage. Une figure tutélaire doublée d’un véritable modèle pour notre association qui, au quotidien, milite pour la défense du métier. Portrait.

C’est en 1964, alors qu’il est à mi-chemin entre la fin de la guerre d’Algérie et les événements de Mai 68, que le grand public français fait la connaissance de Bruno. Le 26 août, l’émission Entre les lignes consacre un sujet de 11 minutes à un trentenaire pas tout à fait comme les autres.

Sa particularité ? Il est le premier – et le seul – « dessinateur intradermique » jouissant d’une reconnaissance officielle et possédant un registre du commerce. Traduction : Bruno Cuzzicoli est le premier tatoueur légal de France.

Son activité, Monsieur Bruno (un surnom fonctionnant à la fois comme une marque de respect et comme l’effacement de son patronyme trop souvent mal orthographié) l’entame à Pigalle, entre deux panneaux lumineux vantant les mérites des « Internationales du strip-tease » et ceux de la « Revue frou-frou ».

Exilé un temps à Nanterre, préfecture des Hauts-de-Seine à quelques 10 kilomètres du Moulin-Rouge, c’est dans son « camion-laboratoire » qu’il reçoit la télévision française. Auparavant, le premier tatoueur de France a déjà écumé de nombreux ports à l’intérieur et à l’extérieur du pays au volant de son tattoo shop sur roues.

« Il y a une différence importante entre Monsieur Bruno et le tatoueur de bas-fonds », prévient la voix off. Et pour cause : chez lui, « tout est propre », indique la presse de l’époque. « Les aiguilles, les appareils à tatouer trempent dans des bocaux d’alcool », peut-on lire alors.

Le chef d’orchestre de cette organisation bien pensée est un jeune homme qui n’a pas encore 35 ans. Son look ? Cheveux bruns coupés courts, moustache fine, chemise blanche traversée par une cravate, et blouse aux manches retroussées. La parfaite allure de l’artisan, tout à la fois professionnel et à l’écoute de ses clients.

Sa découverte du tatouage, Bruno Cuzzicoli la vit en Hollande, à la suite d’un accident de la route dont il est le témoin. En effet, pour bénéficier sans délai d’une transfusion, un nombre important de Néerlandais se faisaient tatouer… leur groupe sanguin. Des anecdotes aussi insolites qu’authentiques, le premier tatoueur de France en regorge.

Bruno de Pigalle (un autre surnom pour le premier tatoueur de France) dessine certains de ses motifs et en reproduit d’autres. Fort de cette bipolarité, il opère comme un tatoueur tantôt artistique, tantôt médical, tantôt esthétique – ce sont ses mots.

Bruno Cuzzicoli, B. Koutsikoli, le Sailor Jerry du 18ème : le nombre de sobriquets dont jouit aujourd’hui l’inimitable octogénaire est proportionnel à l’impact qu’il a eu sur l’histoire du tatouage en France. Sans lui, nulle explosion des salons de tatouage. Sans lui, nulle multiplication des conventions de tattoo. Sans lui, nul combat pour faire obtenir aux tatoueurs de notre pays, un statut digne de ce nom. Quel grand monsieur.

Monsieur Bruno sera le parrain officiel du Cantal Ink 2016, événement partenaire de Tatouage & Partage au cours duquel il donnera une conférence sur sa carrière et sa vision du tattoo. Retrouvez également dès maintenant le reportage qui lui fut consacré en 1964 sur le site de l’INA.