En visite au Centre des Métiers d’Art de la Polynésie française le 23 octobre 2016, la Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Mme Najat Vallaud-Belkacem s’est déclarée favorable à la création d’un CAP tatouage. Pour Tatouage & Partage, c’est une nouvelle preuve de la prise de conscience du gouvernement quant au manque d’encadrement de la profession de tatoueur et des problèmes engendrés par ce manque. Explications.
À l’automne 2016, Mme Najat Vallaud-Belkacem s’est rendue à Papeete, chef-lieu de l’île de Tahiti. Invitée du Centre des Métiers d’Art de la Polynésie française (CMAPF), un établissement public administratif créé en 1980 et dont la vocation est la formation des jeunes aux métiers de l’artisanat d’art océanien et aux arts visuels polynésiens, elle a déclaré souhaiter donner une équivalence nationale aux diplômes de ce centre qui, à l’heure actuelle, ne sont pas officiellement reconnus en dehors de la Polynésie française.
Mais la Ministre de l’Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur du gouvernement Manuel Valls II a été encore plus loin, se disant "enthousiaste et favorable" à une reconnaissance, à terme, de 4 nouveaux CAP : la sculpture, la gravure, le tressage… et le tatouage.
Associer tatouage et CAP : peu avant elle avaient osé… et pour cause. Diplôme français d’études secondaires et d’enseignement professionnel créé en 1911 et donnant une qualification d’ouvrier ou d’employé qualifié dans un métier déterminé, le CAP effraie une partie des professionnels du tatouage. Les sources de ce rejet sont notamment alimentées par le SNAT, qui voit dans le CAP une filière que les déboutés du système scolaire choisiraient "par défaut", faute de mieux. Le SNAT y voit également une usine à créer des tatoueurs formatés ayant perdu toute créativité. Enfin, il y voit le développement de chaines de studios franchisés, banalisés par l’arrivée de soi-disant milliers de diplômés sur le marché.
Les critiques ont souvent voulu faire de Tatouage & Partage le chantre du CAP tatouage. De cela, nous nous défendions déjà en vidéo… en 2014 (aller à 9mn14) :
Notre association n’a jamais défendu l’idée d’un CAP tatouage et encore moins celle d’un CAP tatouage obligatoire. En revanche, nous continuons à nous positionner en faveur d’un diplôme pour les tatoueurs.
Aujourd’hui, les principaux détracteurs d’un diplôme pour les tatoueurs craignent, à l’image du SNAT, un pullulement de tatoueurs, une explosion du nombre de professionnels qui viendrait tuer la profession. Chez Tatouage & Partage, nous voyons dans ce postulat une contre-vérité, pour ne pas dire une aberration et une insulte à la logique.
À ceux qui craignent qu’un diplôme provoque une explosion du nombre de tatoueurs en France et une baisse de qualité dans le tattoo, Tatouage & Partage leur dit avec fermeté et assurance : non, c’est bien l’inverse qui se produira. Pourquoi ? Parce que c’est l’actuel manque de statut officiel pour le tatoueur qui contribue à la multiplication des professionnels peu scrupuleux. Officiellement, le métier de tatoueur n’existe pas : dès lors, tout le monde peut l’exercer !
Le seul impératif pour tatouer légalement en France actuellement est d’avoir suivi une formation à l’hygiène de 21 heures : moyennant 400 à 800 €, tout le monde peut devenir tatoueur. Avec un vrai statut et, avec lui, un diplôme d’État, le tatouage en France se dirigera vers la qualité plutôt que vers la quantité.
Comme nous le répétons depuis notre création, Tatouage & Partage souhaite un diplôme qui soit reconnu par l’Etat et qui amène chaque apprenti à apprendre d’un maître. De fait, chaque année verrait un nombre limité de tatoueurs arriver sur le marché du travail : un nombre inférieur à égal au nombre de maîtres. Plus que jamais, notre association s’élève contre toute idée d’école privée et de diplôme "acheté".
Association apolitique, Tatouage & Partage s’est rapprochée du cabinet de Mme Najat Vallaud-Belkacem pour évoquer avec le ministère les questions d’apprentissage et d’artisanat, de compagnonnage et de métiers d’art, comme nous l’avions récemment fait auprès de l’INMA et de son président. Notre ambition ? Continuer à informer la profession des évolutions liées à la question du diplôme et des justifications pour exercer le métier de tatoueur (voir notre article Et si 90 % des tatoueurs étaient menacés ?) mais aussi continuer à travailler en collaboration avec les différentes représentations professionnelles et le gouvernement pour établir une véritable définition du métier de tatoueur. À l’heure où entre 10 000 et 15 000 tattoos sont réalisés chaque jour en France, l’État prend peu à peu conscience de l’importance prise par le tattoo à l’intérieur de nos frontières. C’est à nous, acteurs de l’encrage et associations, d’accompagner le gouvernement, quelle que soit son orientation politique, dans ses démarches pour une meilleure reconnaissance de notre discipline.