Tatoueuses, tatoueurs,
Bien souvent, les professionnels du tatouage s’affranchissent des règles touchant à l’obligation d’éditer une facture ou à l’obligation d’établir un contrat écrit dans certains cas. Le plus souvent, il s’agit d’un manque de connaissance sur la législation en vigueur. Nous allons donc nous évertuer à dresser simplement une série d’obligations, leurs modalités et leurs conséquences.
L’obligation d’éditer une facture
Une facture est un document permettant d’indiquer les prestations ou les biens vendus par une structure juridique (les diverses formes de sociétés, même les auto-entrepreneurs) ainsi que différents détails. Ce document commercial, comptable et donc fiscal, doit parfois être obligatoirement délivré.
En effet, dans l’activité qui vous concerne le plus, la réalisation d’un tatouage, vous exécutez ce qu’on appelle juridiquement une « prestation de service ». Dans ce cas, l’établissement d’une facture est obligatoire si le prix de la prestation est supérieur ou égal à 25 €. Ce qui, je crois, est toujours le cas pour un tatouage…
L’établissement d’une facture est également obligatoire en cas de vente ou de prestation de service entre professionnels (cela concerne notamment vos fournisseurs, mais aussi si, par exemple, vous réaliser un logo pour une entreprise ou je ne sais quelle autre activité qu’un professionnel pourrait vous demander).
C’est aussi obligatoire pour les ventes à distance lorsque l’acquéreur est un particulier (c’est le cas quand vous vendez vos prints par correspondance) ou plus généralement pour toutes les ventes si et seulement si le client en fait la demande. Donc, si vous vendez des crèmes à tattoo ou vos prints dans votre shop, inutile de faire une facture sauf demande expresse du client que vous ne pouvez refuser.
Le non respect de cette obligation peut être très lourdement sanctionné. A titre d’exemple, une facture non établie entre deux professionnels peut être punie d’une amende pénale de 75.000 €, à laquelle s’ajoutent des sanctions fiscales.
Le contenu et les modalités d’une facture
S’agissant des mentions obligatoires d’une facture, n’étant pas spécialiste de la matière, je vous renvoie à cette page du service publique faite exclusivement à l’intention des professionnels et qui vous donne l’ensemble des détails qu’une facture doit comporter : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F31808
La facture doit être rédigée en français, établie en deux exemplaires dont l’original est conservé par le client, et doit être conservée pendant 10 ans. Elle doit en principe être réalisée au moment de la vente ou de la prestation de service. Un délai de 15 jours est possible pour des raisons de gestion administrative (attention de ne pas abuser de cette excuse). Par ailleurs, la date d’émission de la facture doit y figurer (en plus de la date de la réalisation de la prestation ou de la vente).
Vos factures doivent faire l’objet d’une numérotation rigoureuse et chronologique. Deux factures ne peuvent avoir le même numéro. La mention du mode de payement n’est pas obligatoire (mais conseillé pour des questions de preuve) mais la date du payement doit y figurer.
Pour éviter le papier, une facture peut être transmise par la voie électronique. Cependant, les conditions (que vous retrouverez sur ce site : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F31410) tenant à l’authenticité de la facture risquent de vous faire un peu peur…
Idéalement, je vous invite à vous renseigner sur les logiciels d’établissement de facture qui existent. Si vous avez un ami comptable, c’est le moment de l’appeler !
L’obligation de rédiger un contrat écrit
Avant d’entrer dans les règles de droit, il me faut procéder à des précisions terminologiques : ce qu’on appelle communément un « contrat » est juridiquement appelé un « écrit », il n’est que la retranscription de ce qu’on appelle communément un « accord », que les juristes appellent un « contrat »… En somme, toute vente et toute prestation de service sont juridiquement des contrats, même s’il n’y a pas de papier signé. Cependant, il peut arriver que certains accords (ce sera le terme utilisé) nécessitent l’établissement d’un écrit (ce sera le terme utilisé pour parler de l’écrit papier).
Cette précision faite, vous devez savoir que lorsque vous vous mettez d’accord avec un client pour réaliser un tatouage d’un montant supérieur à 1500 €, un écrit est obligatoire à titre de preuve. Cela veut dire que, sans écrit, votre accord est valable : vous pouvez le tatouer et il peut vous payer. Cependant, s’il y a le moindre litige qui vous mène devant un tribunal, comme tout accord d’un montant supérieur à 1500 € doit se prouver nécessairement par un écrit papier, si vous n’en avez pas, vous ne pourrez pas prouver juridiquement votre accord, vous ne pourrez pas réclamer votre argent.
En d’autres termes, si vous prévoyez un tatouage de plus de 1500 €, que vous n’avez rédigé aucun contrat écrit et que votre client ne vous paye pas, vous n’aurez aucun moyen de réclamer en justice le payement de votre prestation. Le juge vous répondra qu’il ne peut rien faire sans un écrit. Il existe des exceptions très strictes qui ne s’appliqueront presque jamais à votre situation.
Surtout, il vous suffit d’écrire sur un bout de papier vos identités, le fait que vous vous mettez d’accord pour réaliser tel type de tatouage, pour tel prix (global ou taux horaire), la date et de signer (tous les deux !). Vous pouvez prévoir des contrats types. Il s’agit d’une minuscule formalité qui vous évitera bien des problèmes !
En revanche, en dessous de 1500 €, un accord se prouve par tout moyen, comme par exemple l’existence du tatouage, une photo du tatouage effectué, le fait qu’il correspond à votre style unique, ou encore par témoignage.
Benoît Le Dévédec