Notre entretien avec le docteur Grégory Emery : compte-rendu

  
 

 

Les courriers adressés à Jérôme Salomon et Olivier Véran nous ont permis de nous entretenir par téléphone, le jeudi 23 avril 2020, avec le docteur Grégory Emery, conseiller au cabinet du ministre des Solidarités et de la Santé. Le président de notre association Stéphane Chaudesaigues a pu exposer à son interlocuteur les raisons qui encourageraient une réouverture des studios de tatouage dès le lundi 11 mai 2020, ainsi que le protocole réfléchi avec nos adhérents. Compte-rendu.


 

Pourquoi nous appelons à une réouverture dès le 11 mai 2020

Nous avons pu exposer au Dr. Emery les deux grandes familles de motifs poussant vers une reprise légale de l’activité tattoo dès le 11 mai 2020. La première est d’ordre sanitaire. Nous avons rappelé que :


 

  • les tatoueurs sont déjà astreints au respect de normes d’hygiène importantes

  • nous avons l’habitude d’appliquer des gestes barrière pour éviter les contaminations croisées (désinfection des surfaces et du matériel, utilisation de matériel à usage unique...)

  • nous portons déjà des gants au quotidien et, pour bon nombre d’entre nous, également des masques

  • le port de masques, l’application de gestes barrière et la désinfection des locaux constituent les éléments à renforcer pour éviter la transmission, qui se fait principalement par voie respiratoire


 

La seconde est d’ordre économique. Nous avons eu l’occasion de dire que :


 

  • un certain nombre d’entre nous n’ont pas le droit au chômage, ni aux aides du plan d’urgence mises en place par le Gouvernement

  • les assurances ne couvrent pas la perte d’exploitation

  • beaucoup d’entre nous travaillent en couple et n’ont donc pas, au sein d’un même foyer, de possibilités de rentrées d’argent autres que leur activité de tatouage et de piercing


 

Le protocole de reprise du tatouage que nous avons proposé

Cet état des lieux dressé, nous avons soumis au docteur Grégory Emery le protocole pensé par le bureau de Tatouage & Partage et par les adhérents de notre association. Son intérêt est pluriel : outre son utilité pour la santé publique, il est simple à mettre en place et peu coûteux. Tout d’abord :


 

  • les personnes voulant se faire tatouer ou piercer doivent venir seules

  • à l’arrivée du client, il doit y avoir un lavage des mains avec une solution hydroalcoolique mise à disposition à l’accueil

  • des gants, disponibles à l’accueil, doivent être portés par le tatoueur et le client, et doivent être changés toutes les 2 heures (attention : la solution hydroalcoolique ne doit pas être mise sur les gants)

  • un masque doit être porté à la fois par le client et le tatoueur ; si le client n’en a pas, des masques doivent être mis à disposition par le studio à l’accueil également

  • préférer les masques jetables aux masques lavables

  • si masques lavables : il faut les laver au minimum à 60°C

  • les effets personnels (clés, téléphones portables…) doivent être mis dans des sachets à usage unique et placés hors zone de travail


 

Les gestes barrière occupent naturellement une place prépondérante dans ce protocole. Voici nos suggestions :


 

  • porter des gants pour le client et le tatoueur en continu, à changer toutes les deux heures en cas de port prolongé (cela permet également de stopper les automatismes de se toucher le visage)

  • porter un masque en continu tant pour le tatoueur que pour le client

  • si le port du masque est impossible pour le client (surtout en piercing), il faut que le tatoueur ou perceur porte une visière en plus d’un masque

  • tousser, éternuer dans le pli du coude

  • mise à disposition de mouchoirs, gants et masques jetables

  • garder 1 mètre de distance lors des rendez-vous explicatifs

  • garder 1 mètre de distance entre les tatoueurs dans le studio et les clients qui se font tatouer simultanément

  • pas de bise ou poignée de main

  • ne pas accepter d’accompagnant

  • port de vêtements larges et propres pour faciliter l’accès à la zone à tatouer ou percer

  • pas de bijoux

  • dépose des manteaux et vestes hors de la zone de travail

  • pour entrer dans la zone de travail, des sur-chaussures seraient un vrai plus en termes de limitation d’une potentielle contamination des surfaces


 

Quid des studios de tatouage en eux-mêmes dans ce protocole ? Notre réponse :


 

  • nettoyage des locaux à l’ouverture et à la fermeture du studio : surfaces du haut vers le bas et accent mis sur les poignées de porte et poignées de placard

  • éviter les appareils aspirateurs

  • mettre en place un planning hebdomadaire de ménage avec heure de début, heure de fin et signature de la personne chargée du ménage


 

Entre chaque client, le professionnel devra aussi nettoyer la zone de travail en procédant aux actions suivantes :


 

  • désinfection des assises

  • désinfection des surfaces

  • désinfection des sols

  • désinfection du matériel réutilisable

  • isolation des déchets mous


 

Devront être utilisés les produits répondant aux normes NF 1040 et NF 1275, en spray et détergent.


 

Enfin, d’autres généralités devront être respectées dans le cadre d’une réouverture au 11 mai 2020 :


 

  • affichage des consignes en lien avec le Covid-19 sur la porte d’entrée des studios de tatouage et piercing

  • affichage des fiches INRS sur le lavage des mains, pour enlever gants et masques dans tous les lieux où doivent s’effectuer ces procédures

  • enlever les magazines, books et stylos pouvant être manipulés par plusieurs personnes dans la même journée

  • favoriser le paiement par CB ou chèque ; en cas de règlement en numéraire, demander au client de mettre l’appoint dans une enveloppe qui pourra être désinfectée dans une boite à UV

  • éviter de tatouer ou piercer les personnes de plus de 70 ans : c’est déjà le cas pour les femmes enceintes, les personnes ayant des maladies chroniques ou de longue durée (hépatite, HIV, diabète, problème cardiaque, etc.) afin d’éviter de fragiliser leur système immunitaire


 

La réponse du docteur Grégory Emery : pourquoi nous avons des raisons d’espérer

Si le Dr. Grégory Emery a semblé prêter une oreille attentive à nos arguments (que nous lui avons également transmis par écrit) et, au-delà encore, paraissait familier de plusieurs d’entre eux, c’est parce que le conseiller au cabinet du ministre de la Santé est lui-même tatoué. Si la simple anecdote peut prêter à sourire, elle a une conséquence tangible : M. Emery nous a dit savoir le respect scrupuleux de l’hygiène observé par les tatoueurs professionnels en France. Sans doute même plus que dans certains cabinets médicaux du pays, a-t-il – à moitié – plaisanté…


 

De par son poste et son ministère, M. Grégory Emery ne peut pas, de façon concrète, porter cette demande de réouverture. En effet, si l’activité de certaines professions dépendent bien du ministère de la Santé (les pharmaciens, les infirmiers, les dentistes…), ce n’est pas le cas de l’immense majorité, tatoueurs inclus. Le dernier mot en la matière est laissé :


 

  • au ministère de l’Économie et des Finances de M. Bruno Le Maire

  • au ministère du Travail de Mme Muriel Pénicaud


 

Ce qu’il faut retenir de cet entretien, c’est que le Dr. Emery et, à travers lui, le ministère de la Santé de M. Olivier Véran, voient d’un œil favorable la reprise de l’activité au 11 mai si un strict protocole est respecté. M. Emery nous l’a lui-même avancé : les mesures barrière pratiquées au quotidien au sein des studios de tattoo surpassent de loin celles, inexistantes, d’autres établissements recevant du public, à l’instar des salons de coiffure.


 

Aujourd’hui, l’heure est donc à l’espoir pour notre profession. Tatouage & Partage tient bien sûr à distinguer les paroles des actions, fera son possible pour plaider notre cause commune auprès des deux ministères évoqués ci-avant, et nous ne doutons pas que le SNAT en fait et en fera autant. Ensemble, nous parviendrons peut-être à faire de nouveau bourdonner les dermographes dans moins de 3 semaines ?