Alors que l’Agence européenne des produits chimiques prévoit l’interdiction d’encres de tatouage bleues et vertes, des tatoueurs font entendre leurs voix à travers une pétition qui a déjà récolté plus de 120 000 signatures.
La scène allemande du tatouage est en train d’écrire une page d’Histoire. Et cette histoire, de notre côté du Rhin, a des parfums de déjà-vu. Souvenez-vous. C’était au mois de décembre 2013, et l’association Tatouage & Partage recevait la confirmation par écrit du cabinet de la ministre de la Santé Marisol Touraine : les tatoueurs avaient officiellement le droit de continuer d’utiliser la couleur en 2014, après des mois d’incertitude.
Avec l’aide de Pierre Jarlier, sénateur-maire de Saint-Flour, qui s’était engagé à nous présenter les meilleurs interlocuteurs possibles pour traiter ce dossier, nous avions œuvré à ce que les paroles prononcées quelques jours plus tôt par Gabriel Attal, alors conseiller de Marisol Touraine et aujourd’hui secrétaire d'État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, s’ancrent dans la réalité : « Nous ne souhaitons pas éradiquer la profession et encore moins compliquer la pratique du tatouage en France ».
Aujourd’hui, 7 ans après notre lutte, ce sont nos consœurs et confrères allemand·es qui font front à une potentielle interdiction européenne. Le contexte, c’est le suivant : l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC) recommande l’interdiction des pigments de couleur « Blue15 (74160) » et « Green 7 (74260) ». D’après le quotidien allemand Bild, la recommandation de l’AEPC s’appuie sur le fait que ces pigments sont interdits dans le règlement sur les cosmétiques pour les teintures capillaires. Aux yeux de l’AEPC, les encres de tatouage étant également considérées comme des cosmétiques, ces pigments ne devraient pas être autorisés.
Mais comme le souligne PressePortal, les conséquences d’une telle interdiction seraient extrêmement graves pour tout le secteur du tatouage. Les experts redoutent des retombées dramatiques puisque sans ces encres couleurs, de nombreuses demandes de clients ne seraient plus réalisables, ce qui entraînerait de lourdes pertes pour les professionnels. Ces derniers seraient alors contraints de se procurer ces couleurs depuis l’étranger et de s’approvisionner sur le marché noir – lequel n’est soumis à aucun contrôle ni aucune régulation, et présente par conséquent un plus grand risque pour la santé.
Face à cette nouvelle menace, des personnalités allemandes du monde du tatouage et des célébrités interpellent le gouvernement fédéral par le biais d’une pétition. Hébergée par le site openPetition, l’initiative « Tattoofarben retten » (comprendre : « Sauver les encres de tatouage colorées ») milite contre l’interdiction européenne imminente de deux pigments, essentiels dans la fabrication des encres de couleurs vertes et bleues. Une vidéo (dans la langue de Goethe) accompagne la pétition :
En moins de 12 heures, nos voisins ont atteint le quorum de la pétition lancée par le tatoueur et journaliste Jörn Elsenbruch, c’est-à-dire le nombre de signataires exigé pour que l’État étudie la question. Jörn Elsenbruch et son équipe veulent s’assurer que le Bundestag et le gouvernement fédéral se penchent sérieusement sur le problème, et tentent de faire pression sur les autorités européennes pour empêcher une telle interdiction.
Ce nouveau voile jeté sur le tattoo européen rappelle combien l’union fait la force, et combien l’avenir de notre profession, comme celui de tant d’autres, induit des paramètres politiques. Candidat à la mairie de sa commune, le président de Tatouage & Partage Stéphane Chaudesaigues entend, s’il est élu, mettre à profit la latitude procurée par le siège de premier magistrat au bénéfice de ses administrés mais également des professionnels de l’encrage. L’ambition : travailler ensemble et porter notre voix pour faire face aux menaces inhérentes à notre discipline.
Photographie d’illustration : Jérôme Mauraisin