En Italie, l’Académie des beaux-arts d’Udine accueille en son sein la MITA, "école internationale de tatouage artistique". Le cursus proposé est complet et offre d’apprendre à tatouer sur près de 2 250 heures réparties sur 3 années. Mais la formation proposée par Alex De Pase n’est pas gratuite. Enquête de Tatouage & Partage.
Vous êtes amateur de tatouage ? Depuis plusieurs mois, vous avez peut-être été la cible de publicités sur Instagram ou sur Facebook vantant la MITA. Sur sa page Facebook officielle, la MITA se présente comme "la prima Scuola di Alta Formazione in Tatuaggio Artistico", autrement dit la première école de haute formation en tatouage artistique.
Cette école n’est pas indépendante : elle fait partie intégrante de l’Accademia di Belle Arti di Udine GB Tiepolo, soit l’Académie des beaux-arts d’Udine, ville italienne située entre Venise et la frontière slovène. Car c’est là tout le pari d’Alex De Pase, tatoueur comptant parmi les plus influents de la Botte : intégrer le tatouage dans une démarche artistique.
À 44 ans, Alex De Pase compte parmi les spécialistes européens du tatouage réaliste et du portrait, plébiscité par des magazines tels que Tattoo et Rebel Ink. Avec la MITA, le tatoueur transalpin passe de la pratique à l’enseignement. Sur la page officielle de son école de tatouage, il présente les matières qui vont venir rythmer les 3 années sur lesquelles va s’étaler la formation.
La première année inclut 250 heures de théorie avec, par exemple :
• 30 heures d’histoire de l’art
• 45 heures d’anglais
• 20 heures d’hygiène
• 10 heures de dermatologie
Elle inclut également 400 heures de pratique avec, par exemple :
• 150 heures de tatouage sur peau synthétique
• 20 heures de photographie
• 30 heures de dessin
Elle inclut enfin 100 heures de stage. La deuxième année comprend, pour sa part, moins d’heures de théorie (150 heures au lieu de 250) mais plus d’heures de pratique (450 heures au lieu de 400). La durée des stages connait elle aussi une augmentation, avec 150 heures au lieu de 100. À noter : à partir de la deuxième année, les étudiants tatouent sur peau pendant leurs stages. Enfin, la troisième et dernière année à la MITA s’articule comme suit :
• 100 heures de théorie
• 450 heures de discipline
• 200 heures de stage
Les cours théoriques ont lieu 2 jours par semaine à temps plein, le lundi et le mardi, pour laisser libre champ à la pratique et aux stages le reste du temps. La présence est obligatoire sur 80 % du nombre total d’heures. À l’issue des examens sont octroyés des crédits universitaires, comme dans tout cursus dispensé par l’Académie des beaux-arts d’Udine.
Ambitieux, exigeant, complet : le programme de la MITA a de quoi séduire. D’autant plus que l’école est parrainée par des intervenants de premier plan : l’Allemand Ralf Nonnweiler et les Américains Jeff Gogue et Joe Capobianco, tous deux maîtres de séminaires pour le compte de notre association en 2013 et en 2014. Un prestigieux réseau qui n’est pourtant pas sans soulever un paradoxe : en 2017, Joe Capobianco avait en effet fait part de sa haine farouche envers les écoles de tatouage privées.
Si Tatouage & Partage salue le soin apporté au cursus par les équipes pédagogiques de la MITA et le caractère particulièrement vaste des matières enseignées, il est un facteur qui n’est pas sans poser question : celui des admissions.
Nous avons posé la question au secrétariat de la MITA concernant les conditions pour suivre ce cursus. Dans sa réponse, la coordinatrice pédagogique nous informe que "l’admission n’est pas subordonnée à la réussite d’un test ou à une qualification antérieure". Les inscriptions sont en effet "acceptées par ordre chronologique jusqu’à ce que toutes les places disponibles aient été remplies". Traduction : premiers arrivés, premiers servis.
Or, il ne suffit pas d’être rapide pour suivre les enseignements de la MITA ; il faut aussi avoir plus de 6 000 euros sur son compte. En effet, si les frais d’inscription sont fixés à 150 euros, les frais d’enseignements, eux, atteignent 6 300 euros. Des paiements échelonnés sont acceptés et permettent aux inscrits de verser :
• 2 fois 3 150 euros
• 9 fois 706 euros
• 12 fois 532 euros
Autre remarque d’importance : aucune bourse n’est possible pour la MITA.
La question des écoles de tatouage déchaîne les passions des deux côtés des Alpes. Si l’initiative d’Alex De Pase tire son épingle du jeu, c’est par l’exhaustivité des enseignements qu’elle propose ; on semble en effet (très) loin des "diplômes" et autres certificats de tatoueur délivrés par nombre d’écoles privées après quelques dizaines d’heures seulement. Pour notre association, c’est dans le coût de formation que le bât blesse. Des frais fixés à 6 300 euros font la part belle à la lucrativité et nuisent au caractère méritoire du tatouage, qui voudrait que les plus talentueux seulement accèdent au métier.
Comme la MITA, notre association croit à un diplôme, mais pas à un diplôme octroyé moyennant finances. Tatouage & Partage croit à un diplôme reconnu par l’État, au sein d’une formation financée par l’État. Pour nous, c’est la seule solution pérenne, valable et démocratique pour juguler l’afflux massif de tatoueurs sur le marché, et pour garantir aux futurs tatoués que ceux qui les encreront demain auront suivi plus qu’un simple stage à l’hygiène de 21 heures
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