L’enquête publiée par UFC-Que Choisir sur la dangerosité des encres de tatouage a provoqué l’émoi chez les professionnel·les du tatouage et nombre de leurs client·es. Le bureau de Tatouage & Partage répond au mensuel, rappelant qu’aucun lien n’a jamais été prouvé entre encres de tattoo et cancers. Nous insistons aussi sur la nécessité, encore et toujours, d’un véritable statut pour protéger notre métier.
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On parle du marché des encres en disant qu’il est opaque et qu’on ne sait pas ce qu’il y a dedans. On ne peut pas demander à des fabricants de publier leurs « recettes » car ce sont des secrets de fabrication. En revanche, en 2013, lors du problème des encres, la majeure partie des grandes marques d’encre nous avaient envoyé leurs ingrédients et dosages afin que nous puissions les faire passer au ministère de la Santé et à l’ESTP (European Society of Tattoo and Pigment Research, le congrès scientifique sur le tatouage et les encres).
Leur bonne volonté ne doit pas être remise en question car ils s’adaptent aux normes européennes et nationales – ce qui a bien entendu un coût pour chaque couleur. Bonne volonté qui ne peut et ne doit pas être remise en question, d’autant moins quand ils ne sont pas interrogés au sujet d’une enquête qui les concerne. La méthode utilisée, le ou les laboratoires qui ont fait les tests, les bases sur lesquelles se sont fixés les journalistes de l’UFC sont des données inconnues. Un comble pour une enquête qui se veut scientifique…
Il est donc très difficile de pouvoir répondre dans le détail à ce type d’allégation aussi alarmistes qu’inutiles. En effet, le lien entre la potentielle toxicité des encres et des conséquences sur le corps humain est à cet instant précis impossible à tracer.
Tous les scientifiques travaillant sur ce sujet et entre autres les scientifiques, dermatologues et chercheurs faisant partie de l’ESTP disent tous que sur les 20 ans de recul dont ils jouissent, en la matière, AUCUN lien ne peut être fait entre tatouage, encres et cancer. Il n’y a pas plus de cancers de la peau ou d’autres formes de cancer chez les personnes tatouées que chez les personnes non-tatouées. Ce type d’allégation à de lourdes conséquences pour les tatoueurs directement. En effet, cela entraîne à chaque fois une baisse de fréquentation des salons de tatouage et donc, une baisse de leurs revenus.
On ne peut pas laisser des « journalistes » faire ce que l’on a reproché au professeur Raoult, lui disant qu’il n’avait pas montré toutes ses données, qu’il n’avait pas fait de groupe test, que ses informations étaient obscures. Aucune information scientifique ne permet de valider ou d’invalider ce qui est avancé dans cet article. Il est dommage qu’une revue qui bénéficie d’une aura d’objectivité et de professionnalisme n’ait pas jugé bon de pousser la conscience professionnelle justement en intégrant les fabricants d’encre, les tatoueurs, les revendeurs ou les scientifiques travaillant sur le sujet depuis de nombreuses années maintenant.
Les tatoueurs « professionnels » ne se fournissent pas juste sur internet ; ils font appel à des revendeurs de matériel de tatouage qui, eux aussi, sont responsables de ce qu’ils vendent et des normes à respecter. Les tatoueurs et tatoueuses sont bien souvent tous et toutes tatoué·es. Ils tatouent leur famille en plus de leurs clients, ils ne prendraient pas le risque d’un quelconque danger. Ils suivent les directives nationales et européennes en matières de pigments.
Nous avons parlé avec Lou Rubino, PDG des encres World Famous Tattoo Ink. Il déplore encore une fois que les fabricants et tatoueurs soient mis devant le fait accompli et n’aient pas été mis dans la boucle de cette enquête. Il précise aussi qu’il faut voir de quand datent ces bouteilles d’encre. Il croit voir sur l’étiquette que ses encres dateraient de 2019. La composition avait été obligé de changer à nouveau en 2020 suite à de nouvelles directives européennes. Donc, il faut savoir comment ont été conduits ces tests, par qui, et pouvoir avoir accès aux résultats exacts et entiers pour se prononcer. Ce qui, en l’état, n’est pas le cas. En effet, si des tests ont été faits sur des flacons 2019 avec, comme base, les normes 2020, le résultat est donc biaisé.
Le titre « putaclic » de l’article est encore une fois à regretter car il est inutile, la dangerosité des encres n’ayant encore jamais été démontrée. C’est juste, encore une fois, tirer sur l’ambulance, pénaliser une profession qui ne demande qu’à exister. En effet, quand on construit une maison, on ne commence pas par la toiture, mais par faire les fondations. Et dans le cas qui nous occupe, avant d’examiner de façon alarmiste les produits utilisés par les tatoueurs, il faudrait commencer par faire en sorte que les tatoueurs existent.
Nous voilà rendu en 2021 et notre profession n’existe toujours pas. Nous n’avons toujours pas de statut et c’est bien là, à notre sens, le principal problème. N’importe qui peut à ce jour s’établir en tant que tatoueur. Il suffit, pour cela, d’effectuer une formation payante de 21 heures qui se fait sans validation des acquis à son terme – et hop hop hop : on est tatoueur ou tatoueuse. Aucun besoin de savoir dessiner, tatouer, faire une photo ou même de la comptabilité…
Pour résumer, voilà un article tel qu’il en sort tous les deux ou trois ans, affolant les clients sans raison, car les tatoueurs en France se fournissent avec des encres normées ResAP 2008 selon les normes CE. Une nouvelle fois, AUCUNE corrélation entre encre de tatouage et cancer n’a JAMAIS été faite. Le PRINCIPAL problème du monde du tatouage en France n’est pas les encres, mais le manque de statut et la création d’une formation initiale obligatoire, qui permettraient d’éviter que n’importe qui ne sachant pas tatouer puisse s’installer en tant que tatoueur. Il est plus difficile en France de devenir boulanger que tatoueur.
Alors messieurs-dames les journalistes, tentez s’il vous plait de parler des vrais problèmes, et non pas d’en inventer.