Le 25 aout 2016, La Voix du Nord publiait une série de courts témoignages intitulés Histoires de tatouage ou leur mémoire dans la peau. Le quotidien régional donne la parole à 5 vacanciers croisés sur les plages qui parlent des tattoos qu’ils arborent. Pour l’association Tatouage & Partage, ces tribunes offrent un abrégé du tatouage contemporain, entre art à part entière et simple phénomène de mode, et posent plus que jamais la question du statut du tatoueur.
Laurent, 40 ans, étancheur-bardeur, collectionne les tatouages avec initiales et prénoms : "Il y a ceux de mes enfants", confie-t-il, avant de tempérer : "mais il y a deux fois celui de madame et je ne suis plus avec". Céline, elle, 33 ans et secrétaire médicale, a décidé de se tatouer parce que "c’est à la mode". Elle complète : "C’est dans l’air du temps, on en voit partout et puis j’aime bien !" Ses pièces ? Une petite clé de sol sur le poignet et une clé de fa de même taille.
À l’inverse, Sonia, directrice d’un centre de loisirs, a longuement "regardé des sites" et "comparé les dessins" pour "être sûre de ce qu[’elle] allai[t] faire". Son constat ? "Maintenant, presque tout le monde en a et pourtant, je trouve que ce n’est pas anodin comme démarche". Malik, employé d’usine, arbore, lui, une riche composition en couleurs sur le bras droit et une pièce toute aussi imposante en noir et gris sur le gauche. Interrogé par le quotidien, il révèle : "J’aimerais beaucoup être tatoueur, je trouve ça formidable d’exprimer l’intime des gens, de les écouter. Mais il faut un vrai sens artistique et je ne sais absolument pas dessiner".
En une poignée de témoignages recueillis un été dans une base de loisirs du Nord-Pas-de-Calais-Picardie, La Voix du Nord dresse un saisissant panel du large spectre couvert par les tatoués occidentaux. Pour certains comme Malik, tatouage et art sont deux notions intimement liées : le premier ne va pas sans un talent, un don pour le second. Pour d’autres comme Céline ou Laurent, le tattoo relève du phénomène socio-culturel surfant sur l’air du temps et s’éloigne résolument de la définition de l’art telle qu’on la connait : la création d’objets ou de mises en scène spécifiques destinées à produire chez l’homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir esthétique.
Ce que dénonce plus ou moins consciemment l’article du quotidien lillois, c’est l’importance de mieux définir le rôle du tatouage dans la société contemporaine, entre phénomène de masse et véritable démarche artistique, pour mieux définir le rôle du tatoueur lui-même. Au vu des témoignages de Laurent, Sonia, Malik ou Céline, il est plus que jamais nécessaire de qualifier avec précision le statut du tatoueur français qui, à l’heure actuelle, en manque cruellement. Nul ne viendra remettre en cause que des tatoueurs tels que Jeff Gogue, Nikko Hurtado ou encore Shane O’Neill mériteraient, s’ils étaient nés français, le statut d’artiste. Mais qu’en est-il des autres, de la vaste majorité des tatoueurs professionnels de France qui vivent de prestations plus modestes, à l’instar des prénoms, des initiales et des petits signes musicaux couchés sur peau et évoqués ci-dessus ? Ceux-là ne méritent-ils pas un statut qui leur garantit tout autant sécurité, accès à l’apprentissage et existence juridique à l’instar du statut d’artisan ?
Au quotidien, l’association Tatouage & Partage suit l’évolution du tattoo en France et échange avec des professionnels venus de tous bords. Notre conviction demeure intacte : il faut apprendre à déterminer le rôle de chaque tatoueur et tatoueuse pour déterminer un statut juste pour chacun.